Dans les coulisses du GIGN by Cerdan

Dans les coulisses du GIGN by Cerdan

Auteur:Cerdan [Cerdan]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


7

Action !

1er février 1982. Encore une semaine qui s’achève et toujours pas d’alerte à l’horizon. Comme chaque matin, j’ai sacrifié au footing traditionnel, me gardant de tout excès de zèle : une nouvelle opération peut encore être annoncée dans les heures prochaines…

En attendant, étirements, musculation, sports de combat ; la journée se déroule normalement.

Cette semaine-là, j’appartiens au groupe d’alerte dit « de trente minutes ». Comme son nom l’indique, il est capable d’être opérationnel en moins d’une demi-heure. Un autre, dont le départ peut être programmé en deux heures, occupe la caserne à nos côtés. Enfin, un troisième goûte aux joies d’un repos bien mérité. Ainsi s’organise la répartition des emplois du temps des différentes équipes. La proximité de nos appartements, à quelque quarante mètres du quartier général, optimise, à l’évidence, l’efficacité du dispositif. Aussi, du lundi au lundi, sommes-nous cantonnés à Maisons-Alfort, avec interdiction de quitter la base.

Lors de mes toutes premières sorties, le parfum de l’aventure m’a tout juste effleuré les narines.

Mais, avec tant de modération, je reste un tantinet sur ma faim. À force de tatouer la tour d’entraînement avec les semelles de mes rangers, j’ai hâte de fouler la réalité du terrain.

Manifestement, ce plongeon dans le grand bain n’est pas prévu pour aujourd’hui. Après un passage au réfectoire, l’heure de rejoindre les bras de Morphée sonne. Résigné, je regagne ma chambre à coucher. Non sans avoir, préalablement, déposé mon « bip » d’alerte sur la table de chevet. On ne sait jamais…

Deux heures du matin : un bruit métallique résonne à mes oreilles. Pour la première fois, mon cher boîtier donne de la voix. Juste au-dessus de ma tête, je perçois dans les couloirs de sourds claquements de portes, rythmés par des piétinements précipités. Nul doute, il s’agit bien d’une alerte. Quelqu’un, quelque part, a besoin de nous.

En pilotage automatique, je m’éjecte du lit et me précipite à la fenêtre. Au loin, quelques-uns de mes compagnons s’activent en silence. Dopé par une adrénaline inédite, je saute dans mon survêtement et agrippe mon sac pour les rejoindre sans tarder. À l’intérieur, tout le nécessaire pour subsister vingt-quatre heures à l’extérieur du QG : combinaison d’intervention, vêtements de rechange et nécessaire de toilette. Sans oublier, bien sûr, mon éternel Manurhin. Il est également d’usage de prévoir un bleu de travail au cas où les circonstances nous contraindraient à nous glisser incognito dans la foule. Rien de tel qu’un équipement de plombier ou d’électricien pour passer inaperçu ! Et justifier une intrusion dans un appartement sous prétexte d’une fuite de gaz ou d’une panne électrique à réparer d’urgence. Lors d’un flagrant délit de braquage, j’ai dû enfiler la panoplie du parfait chef de chantier, poussant ma brouette sur des kilomètres en attendant le « top action ». En vain. Ce jour-là, les malfrats avaient changé leurs plans. Notons toutefois que ces messieurs n’ont pas l’apanage du travestissement !

Revenons à cette nuit de février 1982. Sur le parking, l’heure est au chargement des véhicules. En règle générale, les voitures sont réquisitionnées pour des rayons d’action de trois cents kilomètres.

Au-delà, nous rejoignons nos objectifs en Transall, depuis la base aérienne d’Évreux ou de Villacoublay. Dans le coffre de nos breaks, six cents kilos de matériel collectif sont stockés en permanence : riot-guns, diffuseurs de lacrymogène, carabines Remington, 44 Magnum, masques à gaz, pied-de-biche et coupe-boulon… Autant d’outils et d’armements spécialisés potentiellement nécessaires lors de l’intervention. La confiance n’excluant pas le contrôle, chaque lundi est consacré à la remise en état du matériel.

À ce moment précis, j’ignore encore notre destination. Seul le pool de commandement, averti par la Direction générale de la gendarmerie nationale, en a connaissance. Selon la procédure, c’est elle qui donnera le coup d’envoi.

En compagnie de mon groupe, je retrouve Paul Barril, adjoint du commandant Prouteau, et deux de ses sous-officiers. Ils nous accueillent autour d’une tasse de café.

« Les gars, nous partons à Sainte-Ruffine, dans la banlieue de Metz. Suite au départ de son épouse, un homme retient ses trois enfants en otages. Il menace de les abattre et de mettre fin à ses jours si sa femme ne regagne pas le domicile conjugal. »

Aucune réaction particulière dans les rangs. Le calme de mes compagnons est contagieux : tant mieux ! En toute confiance, je me porte derrière eux vers l’une des trois Citroën CX 2 400 GTI. Au total, quatre gendarmes prennent place par véhicule ainsi que l’un de nos chiens malinois dont la contribution s’est souvent avérée précieuse. Porté par des pattes de velours, il n’a pas son pareil pour s’introduire n’importe où, le plus discrètement possible. Quant à sa force de dissuasion, je l’ai déjà évoquée !

Je m’installe à l’arrière. Jean-Louis Maussion, lui, prend le volant. À cette heure avancée de la nuit, l’autoroute de l’Est est quasi déserte. Devant nous, Paul Barril et ses adjoints ouvrent la marche. Nous avalons les kilomètres pied au plancher. Vais-je être à la hauteur ? Cette angoisse ne cesse de hanter mes pensées. Heureusement, les plaisanteries de Jean-Louis et des autres font diversion. Mais pas assez car elle m’assaille à nouveau. Serai-je capable de me jeter dans la mêlée au « top action » ? Pour me donner du courage, je replonge dans le souvenir de mes entraînements récents. Me remémore certains réflexes. Je sais que mes partenaires comptent sur moi. Je n’ai pas le droit de les décevoir. Nous arrivons sur zone au petit matin. En entendant Jean-Louis resserrer le frein à main, une première décharge d’adrénaline m’électrise.

Tous les regards convergent vers un pavillon anodin, apparemment endormi. Isolé au cœur d’un périmètre de sécurité établi par les gendarmes mobiles, il a soulevé les plus vives inquiétudes des autorités locales. Procureur, directeur de cabinet du préfet, maire : elles ont toutes fait le déplacement. Dans la lumière froide et bleutée de l’aube, je suis spontanément mes camarades vers une salle éloignée du lotissement. Nous y déposons le matériel. Sans perdre une minute, le capitaine Barril et son escorte rejoignent les gendarmes départementaux pour un « point de situation » – entendez un compte rendu, le plus précis possible, incluant plan de la maison et des alentours, portrait psychologique du forcené affiné par les témoignages de ses proches. Autant d’informations indispensables, consignées dans un rapport par le commandement de la brigade départementale. Grâce au cadastre, nous connaissons l’ordonnancement exact des pièces, les principales issues ainsi que l’emplacement des prises téléphoniques. Un forcené n’étant pas un truand, il conserve, malgré le stress, certains réflexes. Comme celui de s’approcher d’une fenêtre lorsqu’il entend les aboiements d’un chien. Ou, tout bêtement, celui de répondre au téléphone. Ces quelques secondes d’inattention nous suffisent pour investir les lieux par une issue opposée. On ne soupçonne pas le nombre de crises qui connurent



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