D'ici là, porte-toi bien by Carene Ponte

D'ici là, porte-toi bien by Carene Ponte

Auteur:Carene Ponte [Carene Ponte]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Michel Lafon
Publié: 2019-06-05T22:00:00+00:00


Mia

– Votre petite-fille est morte ?

Je n’aurais pas dû poser cette question. Maman me répétait tout le temps que j’étais une vilaine curieuse, que je n’avais qu’à m’occuper de mes fesses. Mais cette dame paraît si triste !

– Oui. Elle s’appelait Annabelle et elle avait seize ans. Il y avait en elle tellement de souffrance. Elle ne s’aimait pas et rien de ce que nous pouvions lui dire n’y changeait quoi que ce soit. Elle ne se trouvait pas jolie, trop petite, trop grosse. C’était comme si elle ne voyait pas la même chose que nous dans le miroir. Un jour, elle s’est mis en tête qu’il fallait qu’elle perde du poids, qu’ensuite tout irait mieux. Je ne me suis pas dit qu’il pouvait y avoir un danger. Je m’en veux de ne pas avoir vu, de ne pas avoir remarqué qu’elle mangeait de moins en moins. Elle se cachait dans des vêtements larges, et quand nous nous sommes aperçus des kilos qu’elle avait perdus, il était trop tard. Nous n’avons pas réussi à la sortir de là.

– Ce n’est pas votre faute.

Elle me prend la main et je sursaute. Je n’ai pas l’habitude que l’on me touche. Mais sa main est si chaude que je ne bouge pas la mienne.

– Quand on veut cacher quelque chose, on trouve des tas de moyens…

C’est ce que je pense en tout cas. Je ne voulais pas le dire tout haut.

– Mais pourquoi ? Je l’aimais tellement !

– Peut-être qu’elle ne voulait pas vous faire de peine.

– Me faire de la peine ?

– Oui. Elle pensait peut-être qu’elle n’était pas assez bien, que vous méritiez mieux…

J’ai sorti tout ça sans trop réfléchir. Elle me regarde et c’est comme une couverture toute douce qui s’enroule autour de moi. Je sens que je vais pleurer, mais je me retiens. Je n’aime pas pleurer.

Soudain, la dame me demande :

– C’est ce que vous ressentez, Mia ? Que vous n’êtes pas assez bien ?

Mes joues sont mouillées, voilà, je pleure alors que je déteste ça. J’ai l’impression que je ne pourrai jamais m’arrêter.

– Mon père m’a toujours dit que j’étais bonne à rien. Pourtant, j’essayais de faire de mon mieux. Je sais qu’il aurait voulu avoir un garçon. C’est pour ça qu’il m’a appelée Mickael, et qu’il l’a écrit comme un nom de garçon. Un soir, je l’ai entendu en faire le reproche à ma mère. Une fille, ça ne fait que pleurer, il répétait. Ça n’a pas de forces. Pour qu’il soit fier et qu’il m’aime, j’ai essayé de faire comme les garçons de mon école, mais ça n’a rien changé. Maman, elle, ne disait pas grand-chose. Elle adorait mon père, et je me dis qu’elle aussi devait être déçue de ne pas avoir mis au monde un garçon. À la naissance de Liam, j’ai même espéré qu’avoir un petit-fils aiderait mon père à m’aimer un peu. Mais lorsque je les ai appelés pour le leur annoncer, il m’a dit qu’il ne voulait plus jamais entendre parler de moi et de mon bâtard.



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