Cathédrale by Hermine Lefebvre

Auteur:Hermine Lefebvre [Lefebvre, Hermine]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Leha
Publié: 2022-03-17T23:00:00+00:00

hapitre XXI

La voiture s’immobilisa enfin devant le palais qui rayonnait de mille feux. Des invités montaient les marches du grand escalier à pas pressés, enveloppés dans leurs manteaux d’hiver. Un sourire échappa à Lionel. Ils ignoraient ce qu’était le froid.

Sa portière s’ouvrit. Un valet de pied lui tendit le bras. Par réflexe, il faillit ne pas en tenir compte, mais les béquilles contre sa jambe le rappelèrent à davantage de prudence. Les marches restaient hautes et, même s’il ne sentait pas la douleur – pas cette douleur, en tout cas –, il ne souhaitait pas aggraver la situation. Le médecin de son père l’avait déjà tancé sur sa propension à trop toucher la plaie.

Tandis qu’il descendait, le valet rappela à l’ordre les journalistes qui se pressaient déjà autour du véhicule. Sans accréditation pour la réception, ils tentaient de voler quelques mots aux invités. Sourire aux lèvres, Lionel ne répondit cependant à aucune question. Il avait déjà passé l’après-midi en entretiens avec des journalistes choisis avec soin, avec l’impression de jeter un simple os à ronger à une meute affamée.

— Quand pensez-vous trouver le Cœur ?

— Que vous est-il arrivé ?

— Où en êtes-vous ? Vous a-t-on attaqué ? Le Cœur…

Le Cœur. Le Cœur. Le Cœur. Comme une pulsation, une palpitation qui lui vrillait les oreilles et l’écœurait. Lionel l’avait plus entendu en une journée qu’en trois mois à Cathédrale.

— Vous étiez chez la reine ce matin…

— M. Andersen !

Les domestiques du palais lui ouvrirent un chemin, mais les questions lui parvenaient encore. Il ne réagit qu’aux vœux de rétablissement – de cela aussi, il avait parlé le moins possible, même si les rumeurs allaient bon train. C’était heureux que son père ne fût pas à Samara, mais à l’étranger ; Lionel préférait qu’il l’apprît alors qu’ils ne se trouvaient pas dans le même pays. Il ne tenait pas non plus à accabler Orfeo.

Enfin, il pénétra dans l’immense hall d’entrée. Il gagna la salle de réception sur sa gauche, capable d’accueillir plusieurs centaines de personnes. Illuminée de lustres de cristal et d’or, elle scintillait dans son écrin de colonnes de marbre blanc. Les miroirs qui l’ornaient sur toute la longueur opposée aux fenêtres démultipliaient les couples de danseurs.

Lionel longea les baies vitrées – les miroirs le mettaient mal à l’aise – pour se rapprocher des buffets où se pressait la fine fleur de l’aristocratie des Neuf-Duchés. On le salua avec entrain et avec cette question au fond des yeux : « allez-vous le découvrir ? », qui devenait oppressante, comme un piège. Il avait hâte de partir pour la Carélie afin d’y échapper. Besoin aussi de baisser sa garde – ce que l’éventuelle venue de Frédéric rendrait difficile.

Nombre d’étudiants de Cathédrale étaient présents, mais aucun ne lui parla. Nulle part Lionel n’aperçut l’or et le blanc d’Eindovia, pas plus que le vert et le noir du Belastan. La reine Isaura avait proposé à ses adversaires de restaurer le principe de la trêve hivernale en les conviant aux fêtes, mais ils avaient décliné, craignant sans doute une manipulation.

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