1 Piege sur Zarkass by Stefan Wul

Auteur:Stefan Wul
La langue: fr
Format: mobi
Tags: Science Fiction
Publié: 2011-03-05T12:56:20.908000+00:00

La route poudreuse était longue de Zaress-lé à Tibor.

Les deux hommes chevauchaient des davals, ces grands oiseaux coureurs. Affublés de l’épiderme des momies royales, ils ressemblaient tout à fait à un couple d’évolués zarkassiens en voyage d’agrément.

Les dépouilles s’étaient révélées un peu trop courtes pour la taille des Terriens. Il avait fallu couper le cuir aux genoux et laisser un large écart jusqu’à mi-cuisse. Mais ce jour était caché par les vêtements. Le médecin leur avait, d’autre part, confectionné une prothèse dentaire imitant les grandes incisives zarkassiennes. Quant aux orifices des paupières, la soudure imparfaite de leurs bords au visage des hommes était masquée par des lunettes noires.

Ces inconvénients avaient une contrepartie : la largeur et l’élasticité de l’épiderme zarkassien, qui leur avaient permis d’y ajuster des poches intérieures. Dans ces poches : la précieuse ferraille des Triangles et le document filmé, facilement récupérés dans les branches du gros arbre.

Laurent tourna la tête vers son compagnon.

— Ma très chère et royale épouse n’est pas trop fatiguée? demanda-t-il en riant.

Darcel souffla de mauvaise humeur.

— Ta royale épouse te dit zut. Sa peau lui tient chaud

et elle a le postérieur démoli par les soubresauts de sa monture.

— Tu vas me répéter que ça ne vaut pas une bonne chenille. Tu l’as dit en descendant des Plateaux, tu l’as ronchonné en naviguant sur noix d’acaze. Mais même si nous avions pu sauver la dernière, nous ne l’aurions pas amenée jusqu’ici. Le climat des Steppes ne leur convient pas.

— Je la regrette quand même.

— Un peu de patience, mon vieux, nous serons ce soir à Tibor. Nous prendrons une fusée directe pour la capitale.

Il rêva un instant avant d’ajouter :

— Ce n’est pas bête, de marcher sur Tibor. Prudent détour. Les autres aérodromes sont certainement surveillés à l’heure qu’il est. Je me vote des félicitations.

— Vantard et prétentieux! jugea Darcel. Comment nous aurais-tu tirés de là sans le doc Jaubert?

— Tu oublies que c’est moi qui ai pensé à le mettre dans le coup. Si je n’avais pas pris les devants, on nous aurait bel et bien radiographiés. J’aurais eu l’air intelligent, avec mon petit émetteur dans les trous de nez. Je revendique la réussite de cette évasion.

Darcel gémit à la secousse douloureuse provoquée par un bond capricieux de son daval. Il tira impatiemment sur les rênes et fit glousser la bête. Il clama :

— Et moi, maintenant, tu crois que j’ai l’air intelligent avec mes mamelles terminées par des pinces à linge !

— Petite coquette, tu aurais préféré garder les agrafes d’argent.

Darcel haussa les épaules. Il sentait la sueur lui couler de partout. Ses incisives trop longues lui entaillaient la lèvre et il bavait à l’intérieur de sa momie.

Désespérante et monotone, la route serpentait entre des palmes blanches de poussière. Plus loin, elle grimpait à l’assaut d’une colline pelée, parsemée de rocs jaunâtres. Laurent serra les rênes d’une seule main et sortit la carte. Il la consulta pendant deux minutes et la replia maladroitement, avec l’impression de porter des gants trop grands. Il la mit dans sa poche.

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