00:23 Pont de l’Alma by Eoin McNamee

Auteur:Eoin McNamee [McNamee, Eoin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature irlandaise, Policier, Roman
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 2007-03-14T23:00:00+00:00

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Moto allégée, pour le cross.

Quatorze

Lignières

18 h 30

Quand il reçut l’appel, Andanson quitta sa maison de Lignières. Elle lui dit de se rendre au bureau de la Sipa, et d’y attendre un appel ultérieur. Il conduisait vite, mais prudemment. Il aimait conduire dans des situations de ce type. Il avait réparé le joint de cardan. Il avait de nouvelles garnitures de frein, et la direction avait été changée. À l’extérieur, la voiture était sale et cabossée, mais elle était rapide et maintenant elle marchait bien. Il était fier de sa conduite. Il fréquentait les circuits. Le Mans. Monaco. Brands Hatch. L’odeur de l’essence high spec [1] flottait dans l’air. Il avait vu Graham Hill. Il avait vu Jochen Rindt. Ces pilotes étaient de véritables héros. Des hommes aux grosses lunettes à qui l’on pouvait tirer son chapeau. Qu’on soulevait du cockpit ouvert noirs de fumée, épuisés. Pour des gens comme eux, l’expression boule de feu n’était pas excessive. La mort soudaine guettait à chaque virage. Andanson pouvait s’identifier à eux. Il savait qu’une analyse fidèle le classerait dans le groupe des casse-cou conscients. Le soir, quand il fermait les yeux, il voyait les grands pilotes de son époque. Debout les bras croisés avant la course, insouciants et intrépides. Il était hanté par la mort des pilotes de course, éjectés du cockpit comme des poupées de son contre le ciel dramatique des années 50, ou effondrés, le cou brisé dans l’accident.

Le tonnerre assourdissant du V12 faisait battre le cœur. Il défiait quiconque de ne pas éprouver ça. Il les défiait.

Andanson était suffisamment grand pour savoir quand il était dans le pétrin. Ça lui était déjà arrivé. C’était le prix à payer pour accéder à un certain monde. Il y avait là des univers secrets, des réseaux cachés. Le monde n’était pas ce que pensaient les gens. Il avait été dans la même pièce que des gens ultra-puissants. Il connaissait la sensation d’une poignée de main secrète. Le mouvement compliqué des doigts. Les gens parlent de paranoïa, mais Andanson disait : Quelle paranoïa ? Le monde est comme ça. Ils peuvent l’écraser quand ils veulent.

Belinda disait que tout serait payé. En plus, dans l’avenir, il accéderait instantanément aux plus hauts sommets, assisterait librement à des événements sportifs majeurs.

Il s’attendait à ce que l’autoroute fut encombrée par les gens qui rentraient en ville, mais c’était calme. Il doubla quelques camions transportant des produits poussiéreux, des camions-citernes avançant péniblement vers Paris. Il tourna avant le premier péage, et choisit de prendre plutôt la nationale. Elle lui avait dit d’éviter les sections à péage. On y donnait des tickets sur lesquels il était possible de repérer la date et l’heure. Il y avait des caméras. Ne commettez pas d’erreur, lui avait-elle dit, ou ça pourrait avoir des conséquences sérieuses. Ils utilisaient des expressions comme « la conscience la plus haute ». Andanson comprenait que ce n’était pas dirigé contre lui. C’était bon d’éprouver de la peur. Quand on est confronté à des gens dont les yeux brûlent, la peur est la bonne réaction.

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